Le projet

L’enfance et l’exil sont des mots qui ne devraient pas être accolés. On ne peut les imaginer vivre ensemble.

Et pourtant en 2016, 10000 enfants sont arrivés seuls en France, fuyant par la pauvreté, la maltraitance, l’exploitation, la guerre.

Que signifie être un enfant migrant isolé en France ? Quelle part d’enfance leur reste-t-il ? Quel sort réservons-nous à nos enfants ?

C’est pour tenter de répondre à ces questions que je suis partie à la rencontre des enfants migrants isolés qui arrivent en France : j’ai recréé ma ‘chambre noire’ grandeur nature chez France Terre d’Asile qui m’a accueilli en résidence.

A l’instar d’Alice tombant dans le terrier, le parcours de migration prive l’enfant de sa propre enfance, provoque la peur de l’oubli, l’effacement du sentiment d’exister.

J’ai vécu avec ces enfants, j’ai recueilli leur témoignage et j’ai photographié le reflet de chacun d’entre eux. Au travers de cette série j’ai cherché à retrouver les fragments de leur identité perdue, à exprimer dans mes tableaux laqués leur confusion et leur vulnérabilité extrême, mais aussi leur détermination, le courage qui leur a fait traverser le monde…

Car ce sont des enfants, mais aussi des héros de leur temps.

Ils ont traversé des déserts, ils ont marché de nuit des kilomètres pour passer les frontières, ils ont pris la route des Balkans, ils se sont retrouvés perdus au milieu de la méditerranée, ils ont bravé le froid, la faim, la violence, ils ont des talents – le dessin, le chant, la musique, les langues, ils ont un désir ardent d’apprendre. Ce sont des jeunes migrants aujourd’hui et peut être de futurs adultes de la France de demain.

Ils sont en attente dans cet entre-deux qui décidera de leur avenir.

Les portraits qui résultent de ma rencontre avec eux, sont troublés, sans contours, juste esquissés comme leur avenir en France.

Mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ?’

 Lewis Carroll