DE-SOL-ES, enfance exilée

Série photographique sur l’enfance en exil réalisée en résidence artistique chez France Terre d’Asile.

L’exil

L’exil est rond

Un cercle, un anneau :

tes pieds en font le tour, tu traverses la terre,

et ce n’est que la terre,

le jour s’éveille , et ce n’est pas le tien,

la nuit arrive : il manque tes étoiles,

tu te trouves des frères : et ce n’est pas ton sang .

Tu es comme un fantôme qui rougit

de ne pas aimer plus ceux qui t’aiment si fort,

et n’est-il pas vraiment étrange que te manquent

les épines ennemies de ta patrie,

l’âpre détresse de ton peuple,

les ennuis qui t’attendent,

et qui te montreront les dents dès le seuil de la porte …

Pablo Neruda

Ama

Ama a 14 ans, et vient de Daloa, en Côte d’Ivoire. Elle est la cadette de 7 enfants. Son oncle avait décidé de la marier de force. Elle s’est enfuie, une nuit, avec ses seuls vêtements sur le dos et de l’argent emprunté à sa mère. Son voyage a duré 6 mois. Ama a pris le car jusqu’au Burkina Faso, puis jusqu’au Niger…

Soufiane

…Soufiane raconte aussi l’enfer de la traversée en méditerranée. Il attend, des semaines, dans un camp. Enfin, c’est cette nuit. Il attend au bord de la mer, des tirs éclatent, quelques migrants sont touchés, il doit s’enfuir…

Rêve et cauchemar

Sous la menace du Juju :  elles étaient ‘tenues’ par le rituel vaudou. À leur arrivée, les mamas leur arrachent des poils et coupent leurs ongles. Cette cérémonie, le Juju, les filles la connaissent depuis leur enfance…

Koffi

Ainé d’une famille de 7 enfants, il a 16 ans et part de Somalie en rêvant à des jours meilleurs pour lui et sa famille.

Il traverse alors le Soudan, passe par la plaine désertique du Darfour, en voiture, parfois à pied, traverse la frontière libyenne. Là les ennuis commencent : il se fait kidnapper deux fois en Lybie par des milices.

Le projet

L’enfance et l’exil sont des mots qui ne devraient pas être accolés. On ne peut les imaginer vivre ensemble.

Et pourtant en 2017, 18000 enfants sont arrivés seuls en France, fuyant par la pauvreté, la maltraitance, l’exploitation, la guerre.

Que signifie être un enfant migrant isolé en France ? Quelle part d’enfance leur reste-t-il ? Quel sort réservons-nous à nos enfants ?C’est pour tenter de répondre à ces questions que je suis partie à la rencontre des enfants migrants isolés qui arrivent en France : j’ai recréé ma ‘chambre noire’ grandeur nature chez France Terre d’Asile qui m’a accueilli en résidence.

  A l’instar d’Alice tombant dans le terrier, le parcours de migration prive l’enfant de sa propre enfance, provoque la peur de l’oubli, l’effacement du sentiment d’exister. J’ai vécu avec ces enfants, j’ai recueilli leur témoignage et j’ai photographié le reflet de chacun d’entre eux. Au travers de cette série j’ai cherché à retrouver les fragments de leur identité perdue, à exprimer dans mes tableaux laqués leur confusion et leur vulnérabilité extrême, mais aussi leur détermination, le courage qui leur a fait traverser le monde… Car ce sont des enfants, mais aussi des héros de leur temps. Ils ont traversé des déserts, ils ont marché de nuit des kilomètres pour passer les frontières, ils ont pris la route des Balkans, ils se sont retrouvés perdus au milieu de la méditerranée, ils ont bravé le froid, la faim, la violence, ils ont des talents – le dessin, le chant, la musique, les langues, ils ont un désir ardent d’apprendre. Ce sont des jeunes migrants aujourd’hui et peut être de futurs adultes de la France de demain. Ils sont en attente dans cet entre-deux qui décidera de leur avenir. Les portraits qui résultent de ma rencontre avec eux, sont troublés, sans contours, juste esquissés comme leur avenir en France.
Laetitia Lesaffre photographie
Mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ?’  Lewis Carroll