Kintsugi, âmes d'enfants

Tirages pigmentaires sur papier japonais déchirés et réparés à l’or 24 carats.

Photo-céramique

Photographie sur céramique cassée et réparée au kintsugi, grès émaillé. 

Le Kintsugi vient du Japonais Kin (or) et Tsugi (jointure), et signifie donc littéralement : jointure à l’or. Cette technique ancestrale, découverte au XVème siècle au Japon, consiste à réparer une céramique cassée avec de la laque, et à souligner les cicatrices avec de la véritable poudre d’or. Soigné, puis honoré, l’objet cassé peut devenir paradoxalement plus résistant, plus beau et plus précieux.

Cette série photographique exprime la résilience, la reconstruction, la force des enfants victimes de violences. A partir de leurs photographies d’enfance, je tente de réparer les ‘enfants intérieurs’ d’adultes en reconstruction.

Maltraitance, inceste, harcèlement, excision, toutes les personnes photographiées ont ces fêlures qu’elles tentent de réparer un jour après l’autre, en s’engageant pour que l’intérêt supérieur de l’enfant ne soit plus une expression vide de sens. Ces survivants apprennent à respirer à nouveau et à faire de leurs blessures des forces qui les guident. En captant leur reflet dans mes laques je leur propose un nouveau regard sur eux-même. Puis j’imprime leur reflet sur céramique ou papier, et en connaissance des parcours de vie des victimes, je casse, je déchire, et je répare au Kintsugi. Chaque œuvre est réalisée avec de l’or 24 carats.
Ce processus de réparation symbolique pense et panse les blessures. En soulignant leurs lignes de failles par le kintsugi, je sublime leurs lignes de force.

La lumière est trop grande pour mon enfance.

Mais qui me donnera la réponse qui n’a jamais servie ?

Un mot qui me protège du vent, une petite vérité où m’asseoir

Et à partir de laquelle me vivre,

Une phrase seulement mienne, que j’embrasse chaque nuit,

Où je me reconnaisse, où je m’existe.

Alejandra Pizarnik

‘Quand j’ai parlé, on m’a demandé de me taire. Quand j’ai porté plainte, on m’a dit que c’était trop tard. Quand j’ai réclamé mon dossier judiciaire, on m’a répondu qu’il fallait attendre. Je ne sais toujours pas si mon agresseur a été confronté à mon témoignage, ni si je suis sa seule victime. Je sais simplement que j’ai toujours détesté cette petite fille soumise, si peu vivante. Grâce à son talent, Laetitia Lesaffre m’offre enfin l’essentiel : une âme d’enfant.’ 

Stéphanie Khayat

Journaliste et écrivaine

Depuis tant d’années, je tourne en rond dans ma cage,

mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance.

Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là,

sous mes yeux, comme une évidence :

prendre le chasseur à son propre piège,

l’enfermer dans un livre. 

Vanessa Springora

Editrice et écrivaine